![]() Comme constituant, à l'heure de la consultation populaire, nous devons maintenant prendre du recul et avoir le courage d'un bilan à charge. Ma plus grande préoccupation est la cohésion avec le Haut-Valais. A ce stade nous nous sommes contentés de chanter poétiquement l'unité cantonale, mais nous n'avons pas su nourrir un dialogue soutenu afin de comprendre leur réalité culturelle, politique, sociale,..., afin de saisir leurs préoccupations. Il y a une très grande différence culturelle entre le Haut et le Bas. Seule une unité respectueuse de cette diversité est viable. Dans d'autres cantons, il a fallu beaucoup moins de différences pour organiser des demi-cantons. Si nous voulons préserver l'unité cantonale, notre constitution doit intégrer des mécanismes forts qui donnent une légitimité à l'autonomie du Haut-Valais. Ma deuxième préoccupation est la cohésion sociale de notre communauté humaine. Notre assemblée a cru bon de parler de "mourir dans la dignité". Cette expression insinue que certaines vies, selon des critères sociologiques ne sont plus dignes d'être vécues. La généralisation de l'euthanasie conduit inexorablement les vulnérables à la culpabilité sociale : "je suis un poids pour ma famille, pour la société". Cette croyance aggravée par le principe utilitariste de l'optimisation du plaisir enlève tout sens à l'existence du malade ou de l'impotent. C'est à mon humble avis la faute la plus grave de notre assemblée. Pour éviter tout jugement moral, mais aussi toute construction dogmatique sociologique, il est important de maintenir un certain vide juridique et de ne pas institutionnaliser la fin de vie. Même si cela doit passer par des situations exigeantes dans lesquelles certaines familles ou amis seraient appelés à prendre en charge un déménagement pour mourir, car dans le réalisme des actes s'incarnent la vraie charité dont notre société a tant besoin. La "cellophanisation" de la mort traduit notre malaise face à cette question. Enfin le néo-positivisme plaçant l'algorithme en nouvel inquisiteur. Quand il ne gouverne pas les modèles d'élections ou les campagnes virtuelles, il gouverne les décisions politiques et bientôt même à l'échelon suprême du conseil d'Etat qui devra se soumettre à un organe de prospective. Pourtant, la nature même de l'intelligence artificielle la prive de la capacité de "jugement" et d'appréhension globale. Il est urgent de ré-humaniser la prise de décision en formant l'esprit critique. Une société qui soustrait son pouvoir de décision aux machines décline de facto toute responsabilité. La place que prend l'intelligence artificielle dans la construction sociale est la grande absente de notre texte constitutionnel. Je vous invite chacun à regarder le documentaire "our social dilemma" (Derrière nos écrans de fumées) afin de prendre conscience de l'impact des algorithmes sur notre cohésion sociale. Le monde bascule dans la croyance et plus personne ne sait "connaître". Nous ne pouvons plus vérifier les informations dont nous sommes bombardés. Nous sommes conditionnés par des programmations totalement soumises aux lois du capitalisme et du consumérisme. Nous ne sommes plus des clients mais nous sommes devenus des produits. Ce processus d'aliénation s'installe même dans notre système de santé. Il est urgent de réfléchir aux enjeux posés par le tournant digital. Un grand travail attend encore la constituante. J'ose faire le voeux que nous trouvions le chemin d'un dialogue plus éclairé, plus respectueux et plus confiant. Il souffle un vent de méfiance sur notre assemblée, or la méfiance rend l'esprit plus étroit, car elle empêche l'ouverture à des pensées alternatives. Damien Clerc
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![]() L’homme a toujours été fasciné par la transcendance, ce n’est pas une spécificité chrétienne. Il y a 4500 ans, lorsque le Valais n’était qu’une grande forêt, les deux tribus qui la peuplaient, fondaient leur premier pacte social sur la célébration et le culte des morts... Contrairement aux autres vivants dont la carcasse pourrit simplement dans la nature, l’homme aime ériger des monuments face à la question du sens de sa vie... Lorsqu’à cette époque une tribu étrangère descend le val d’Hérens en provenance du sud, c’est le culte des morts, la question universelle de l’homme face à la transcendance qui va souder la paix ! Nos ancêtres, aussi loin que nous puissions remonter on toujours fondé leur communauté humaine sur l’invocation divine... ![]() Il est important à mes yeux qu’une société qui veut se fonder en communauté, partageant une vie commune, des espaces communs et une responsabilité commune envers la nature et les générations futures, ne commence pas par une affirmation clivante qui discrimine de facto le citoyen en deux catégories « les croyants » et les « non-croyants ». Il est aussi impératif de reconnaître que le monde ne dépend pas de « mon » point de vue. Il ne change pas en fonction de mon opinion, il est ce qu’il est ! Si nous n’acceptons pas cette évidence et que nous commençons notre pacte sur un principe relativiste qui valorise l’individualité des valeurs, nous réduisons inéxorablement la société à un jeu de rivalité et de pouvoir entre des égos qui veulent imposer leur vision du monde... Comment commencer notre œuvre commune ? En rappelant à l’autre que chacun à ses valeurs ? Ou alors contempler ensemble la beauté du monde et reconnaître en silence qu’il nous dépasse... ? C’est là que se joue la nuance entre une « invocatio » ou une « narratio » dans un préambule... Hier, lors du plenum de la constituante du canton du Valais, la commission en charge du préambule nous a soumis sa proposition : Au nom de Dieu Tout-puissant ! Nous, Peuple du Valais, libre et souverain, Respectueux de la dignité humaine et de la Nature, Conscients de notre histoire et de la place du Canton dans la Confédération suisse, Voulant assumer nos responsabilités envers les générations futures, Résolus à forger une Société solidaire et un État fondé sur le Droit, Nous nous donnons la Constitution que voici : Une minorité de cette commission a proposé une alternative sans "invocation" dans la formulation suivante : Tracé : (Au nom de Dieu Tout-puissant !) Nous, Peuple du Valais, libre et souverain, croyant en Dieu ou puisant nos valeurs à d’autres sources, (...) De mon point du vue l’enjeu consiste à reconnaître quelle formule manifeste davantage l’unité populaire tout en répondant à l’exigence que présuppose un pacte : il doit être le ciment d’une identité communautaire. Je m’apprête à exprimer l’idée la plus difficile que je n’ai eue à dire jusqu’ici à cette noble assemblée (la constituante). J’aimerais dire une chose difficile à exprimer et facilement en proie aux incompréhensions. Je vais donc essayer de parler avec le plus de considération et de respect pour chacun. Je ne suis pas croyant... On me colle pourtant souvent cette étiquette dont on use aussi pour me discriminer. La croyance pour moi, c’est : s’accrocher à des idées lorsqu’on a peur de l’inconnu ou de notre ignorance. Beaucoup de gens croient en Dieu, comme les enfants croient au père Noël. Ils se racontent une belle histoire qui rend la vie acceptable, surtout face au destin tragique de nos vies qu’est la mort... Pourtant, quand « on se la raconte », on déforme toujours la réalité, on l’arrange à souhait, mais tôt ou tard nous sombrons dans la désillusion. Cette attitude à un nom, dans la culture religieuse, elle s’appelle l’idolâtrie. Lorsque j’enferme Dieu dans une idée et que je m’en sers pour mon business, je suis un idolâtre. Dieu n’est alors que le fruit de mon imagination. Dans toutes les religions, les idolâtres font de Dieu leur étendard et basculent dans le fanatisme... Le croyant est tellement attaché à son idée qu’il ne peut pas voir le monde en dehors de son schéma de pensée... Il y a des gens qui ont besoin de croire que Dieu vote républicain et qu’Il pleure de voir Biden prendre le pouvoir (d'autres croient exactement le contraire), mais il y a aussi des gens qui ont besoin de croire que Dieu n’existe pas et qui angoissent devant la vision d’un monde différent... C’est aussi une croyance... Je ne suis pas croyant, mais par contre j’ai la foi. La foi, c’est tout autre chose... La foi naît dans ce moment tourmenté dans lequel je reconnais que je ne sais rien, que se dresse devant moi le mystère de la vie. Alors, seul, face à cet inconnu, je peux ouvrir mon intelligence et mon cœur pour laisser la vie, le monde et son poids ontologique se révéler à moi. Dans cet espace, la rencontre avec le monde que je contemple est possible... Cette fois-ci je fais l’expérience du divin. La présence à la présence du divin est une expérience universelle. Elle commence avec l’athée qui reconnaît dans le monde quelque chose d’absurde qu’on ne peut enfermer dans une idée, il contemple à l’instar d’Albert Camus ce monde qui le dépasse et se laisse transcender par ce monde (ce grand Tout ou ce grand Rien à l’origine de tout ce qui est...). Dans notre culture judéo-chrétienne elle commence avec un nomade du désert qui quitte son père, un marchand d’idole qui fait son business sur le dos de la fragilité psychique des gens. Il quitte ce commerce, il quitte ses parents, et seul dans le désert, il fait l’expérience du divin. C’est le début du monothéisme et ce nomade c’est Abraham... Pour lui aussi, Dieu est juste UN et innommable... Celui qui vit de cette expérience, partage quelque chose d’universel à tous les hommes. J’ai rencontré des hindous, des musulmans, des juifs, des chrétiens de toute sorte, des agnostiques,... La foi les fait entrer dans un langage commun. (Je me reconnais totalement dans les poèmes de Rabindranath Tagore par exemple, sadu indien) Lorsque vous regardez toute la beauté du monde et que vous contemplez le mystère de sa présence, vous faites déjà cette expérience. Nous sommes tous égaux devant la grandeur de ce mystère. Nous sommes fascinés car il y a quelque chose plutôt que rien ! C’est ce quelque chose, cet Être premier, que les traditions religieuses appellent « dieu » qui est cause première de tout ce qui est... L’invocation divine nous met devant ce mystère, cette cause première « toti potente », tout puissant, d’où jaillit toute potentialité... La lecture religieuse n’enlève rien à la lecture philosophique, il y a donc un sens universel à l’expression « Dieu tout puissant », car tout le monde y reconnaît le principe de l’être... Par contre, lorsque nous parlons de « croyant en Dieu ou puisant nos valeurs en d’autres sources... » Nous commettons deux erreurs, la première qui consiste à valoriser la « croyance » qui est à mon sens la source du repli sur soi consommé dans le fondamentalisme d’une part et l’individualisme d’autre part... La deuxième erreur serait d’ouvrir notre pacte social, qui doit se baser sur la confiance, en y introduisant un clivage entre deux types de citoyen discriminés de facto... ![]() Notre constitution est un pacte social, un engagement de tous les citoyens pour ouvrir un espace de vie et former ensemble une communauté. Cette communauté doit pouvoir exister, non pas simplement comme une simple somme d’individus égoïstes, d’accord entre eux sur des minimas de respects, mais bel et bien comme une réalité humaine épanouissante offrant aux personnes l’occasion de s’émanciper en tant qu’humain dans une dimension sociale. Elle doit trouver son identité propre. Cette communauté vit au cœur des Alpes. La vallée du Rhône et ses montagnes, abritent une vie foisonnante et des matériaux riches... Cette nature nous soutient et nous dépasse... Notre communauté valaisanne doit donc assumer son rapport à cette nature, elle doit chercher inlassablement le chemin de l’harmonie avec cette réalité physique et biologique objective... La communauté ne saurait s’ouvrir à ce monde complexe et y trouver sa place, si elle reste repliée sur elle-même, sur sa vérité... La communauté ne saurait faire de la place à tout un chacun si elle reste plombée par l’individualisme dans lequel chacun relativise tout à lui. Face à la nature, au défi climatique d’une part, mais aussi face à l’autre, le prochain comme l’étranger, face à la communauté, je dois quitter ma croyance pour m’ouvrir à la transcendance, à ce monde uni finalement par la seule chose irréductible : l’Être, l’Être Premier des philosophes que les traditions religieuses appellent Dieu. Il est donc important à mes yeux qu’une société qui veut se fonder en communauté, partageant une vie commune, des espaces communs et une responsabilité commune envers la nature et les générations futures reconnaisse que face à la création elle se retrouve humblement devant le mystère de son Créateur. Damien Clerc Lettre ouverte à mes concitoyens des grandes villes de Suisse.
Les agriculteurs de montagne sont les premiers acteurs d’une écologie durable : 1) Ils sont en contact permanent avec la nature et sont les premiers observateurs des dégradations climatiques. Ils font partie des lanceurs d’alertes. 2) Ils aiment la nature. Ils jouent un rôle primordial dans l’éducation au rapport harmonieux entre l’homme et la nature. (Voir le développement des fermes éducatives aujourd’hui) 3) Ils sont les acteurs de terrain de la transition écologique. Ils font vivre la montagne et garantissent la stabilité du relief mise à dure épreuve par le réchauffement. 4) Ils sont les premiers acteurs d’une production locale qui permet de répondre au problème le plus urgent à régler dans notre rapport à la nature. Les agriculteurs de montagne sont nos meilleurs partenaires pour assumer les défis écologiques actuels. Nous devons les écouter et répondre à leurs besoins ! Dire non à la loi sur la chasse c’est oublier la vision globale, c’est vouloir faire du développement durable sans faire de politique durable, c’est rendre impossible la mission qui nous incombe et c’est laisser-pour-compte des personnes à bout de ressources alors qu’ils sont au service de tous. Les agriculteurs de montagne souffrent et sont en voie de disparition contrairement au loup qui n'est pas menacé d'extinction par exemple... Merci aux citadins de préserver la vie d’une espèce en voie de disparition jouant un rôle écologique de premier rang : les agriculteurs de montagne ! OUI à la loi sur la chasse! à partager à vos contacts des villes... ![]() Philippe Bender (VLR) ouvre sa chronique de constituant dans le journal "Confédéré" de la manière suivante : Dans l'esprit de «L'Echo des Alpes», qui proclamait en 1840: «Sans instruction, le mot de liberté n'a pas de sens; l'ignorant ne peut être libre, il est l'esclave des préjugés et la victime des plus habiles qui l'exploitent. Pour être libre, il faut pouvoir choisir, et pour choisir, il faut connaître.» Pendant ce temps, Johann Rochel (AC) publie dans un blog du journal le Temps un appel au voile d'ignorance de John Rawls... Pour Monsieur Rochel, le devoir moral du constituant est un "fitness mental" plongeant l'intelligence dans l'amnésie. L'assemblée des amnésiques est ensuite appelée à rédiger un pacte social de la société utopique. L'appel à l'ignorance VS l'appel à la connaissance? Que feront les constituants? Pourtant messieurs Bender et Rochel ont le même objectif : une société de justice! Ce qui rapproche ces deux penseurs c'est l'idée que nos préjugés peuvent aliéner notre pensée. Si nous sommes barricadés dans nos a priori, il n'est pas possible d'ouvrir un dialogue honnête et ouvert. Ce qui les sépare c'est que l'un prône la sagesse de la connaissance et l'autre celle de l'ignorance. On peut se demander alors d'où vient notre sagesse? Notre expérience, notre identité, notre culture et notre histoire sont-ils les ennemis ou les amis de la sagesse? Il me semble que la réponse est assez facile... Celui qui veut se libérer des préjugés n'a pas à être amnésique, il a à assumer et sublimer son identité. En effet, il n'y a pas de connaissance en dehors de notre expérience, de notre histoire. C'est la qualité de notre expérience qui donne du réalisme à nos idées. Mais alors, comment faire pour se libérer des préjugés me direz-vous? C'est très simple, posez-vous la question de votre ouverture à la proposition des autres. Est-ce qu'elle vous invite à avancer? Ou est-ce qu'elle vient chercher en vous une hostilité, une méfiance qui vous pousse à la lutte. Si vous entrez dans une assemblée en présupposant que l'intention des autres est mauvaise, vous n'avez pas respecté le voile d'ignorance que prône John Rawls, car ce dernier y voit un principe judéo-chrétien : ne faites pas aux autres, ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse. Il y a une contradiction qui jette le discrédit sur celui qui prétend être capable d'un voile d'ignorance (entendez ici, oubliez son identité) et qui enferme les autres dans une étiquette partisane (identitaire) : les VLR, les PDC, les UDC,... Prêter des intentions à des groupes stéréotypés, par pure projection imaginative est une façon regrettable de "diviser pour mieux régner". On pouvait s'y attendre : tôt ou tard les assemblées politiques se politisent... Ce qui est étonnant c'est que ceux-là même qui prétendent ne pas être politisés, sont les premiers à politiser le débat... Contradiction quand tu nous tiens! Cette manipulation des consciences n'est pas digne de notre projet de constituant. Plus la liste des droits fondamentaux est exhaustive plus elle risque de produire des laissés-pour-compte... Il est impossible d'enfermer dans des catégories la société plurielle. Ce qui fait la beauté de notre diversité, c'est précisément qu'elle n'est pas réductible à des normes. Celui qui veut tout normer ne laisse pas d'espace ouvert à la citoyenneté, à la différence. Il est donc normal de trouver des personnes de sensibilité de gauche vouloir une constitution simple, accessible, donnant à tous sans catégorie les mêmes droits. On peut trouver aussi des gens de droite voulant une constitution exhaustive pour totaliser le comportement des citoyens... Eh oui, le clivage n'est pas si simpliste... La meilleure disposition de l'intelligence pour un débat constructif n'est-ce pas la confiance? L'autre n'est pas plus stupide que moi, il n'est pas méchant, il veut aussi le bien de tous, le bien commun, il veut la justice et il veut protéger tout un chacun. S'il propose d'autres moyens pour atteindre le même but, ce n'est peut-être pas qu'il conspire un complot diabolique, c'est peut-être simplement qu'il a vu des enjeux qui ont échappé à ma vigilance... Le procès d'intention est la plus vile manipulation et surtout, elle détourne la pensée du débat de fond... Damien Clerc ![]()
Bonne nouvelle pour notre future constituante: elle aura la possibilité d’économiser passablement de temps (et d’argent), si elle le souhaite, car une belle partie de son travail a déjà été accompli. En effet, il y a sept ans, sous la direction de l’ancien Président du Tribunal fédéral M. Claude Rouiller, la commission portant son nom a rendu au Conseil d’Etat un avant projet de constitution comprenant le préambule et les articles 1 à 40 que vous pourrez consulter à la fin de ce message, ainsi que le titre noir (un exposé complet de la démarche). Ces documents sont dignes du plus grand intérêt et peuvent être une source majeure d’inspiration pour la future constituante. Chronique d’une amnésie institutionnelle annoncée Le conseiller d’Etat Maurice Tornay, au début de sa première législature, entreprend de renouveler notre vieille constitution. Il mandate en 2010 une commission de juristes, professeurs de droit, hauts fonctionnaires, dirigée par M. Claude Rouiller, et lui donne pour mission de rédiger un avant-projet de révision de la constitution valaisanne. L’objectif du CE est d’avoir une base de travail pour ouvrir un débat d’opportunité au Grand Conseil en s’appuyant sur un document de bonne facture, pensé et conçu par des gens de différentes sensibilités politiques, au fait des enjeux du droit constitutionnel. En mai 2014, Maurice Tornay présente le travail de cette commission au Grand Conseil. Cet avant-projet porte sur le préambule, les dispositions générales, les droits fondamentaux et les libertés individuelles. Le GC vote à la quasi unanimité l’opportunité de commencer les travaux. Manque la partie du droit organique de la constitution, à savoir l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics et les règles générales de la vie politique du canton. Celles-ci doivent faire l’objets d’une procédure de consultation séparée. C’est la votation R21, présentée un peu maladroitement, dans l’urgence, et coulée par les bulletins blancs lors de la votation populaire de juin 2015. Dans la foulée, le PS, le PCS et l’UDC relancent l’initiative « chaque voix compte » avec comme dessein de remodeler plus démocratiquement la carte électorale du Valais. Elle échoue assez nettement devant le peuple à l’automne de la même année. Qu’à cela ne tienne, une nouvelle initiative est lancée, sous la houlette de Mesdames Hosenen-Fux, Volpi Fournier et Kündig et Messieurs Zermatten et Lovey. Elle propose une révision complète de la constitution, le travail doit être confié à une constituante « ni partisane, ni politicienne ». Les travaux du GC sur ce thème sont suspendus. Ayant récolté bien plus de signatures que nécessaires, l’initiative est présentée au peuple et celui-ci l’accepte au début 2018. Presque neuf ans se sont écoulés depuis le lancement du projet par le CE. La page est toujours blanche et nous élisons les membres de la constituante dans dix jours. L’excellent travail de la commission Rouiller a été oublié. Il n’est jamais mentionné dans les débats de campagne et personne ne semble avoir lu ces documents, pourtant publics. (J’ai cependant perdu beaucoup de temps pour me les procurer et ce n’est pas faute d’avoir fouillé les sites de l’Etat ou d’avoir contacté la Chancellerie. C’est finalement Monsieur le juge Rouiller lui-même qui me les a transmis et je l’en remercie.) Vous trouverez ces documents ci-dessous. L’avant-projet est, à mon sens, homogène, rationnel, visionnaire et très complet, à quelques détails près (par ex. l’évocation de la subordination aux traités internationaux à discuter, notamment en fonction du vote du 25 novembre, ironie du calendrier). J’invite les futures constituantes et les futurs constituants à lire attentivement ces documents et à vous poser la question suivante : est-ce que cet avant-projet peut constituer une base solide pour démarrer les travaux de la constituante? Bonne lecture! Vincent Baud ![]()
![]() Je découvre la vie de campagne politique et ce qui me passionne, c’est la qualité des rencontres. Les gens souhaitent un réel dialogue et cherchent avec cœur le bien commun. Les candidats et politiciens qui campent sur des positions idéologiques ou qui utilisent des vieux leviers rhétoriques (chantage, intimidation, caricature) passent aujourd’hui pour des rétrogrades. Utiliser un discours démagogique et parler de match conservateurs-progressistes paraît tout d’un coup complètement d’arrière-garde. On ne veut plus être enfermé dans des étiquettes réductrices. De plus, connaissez-vous un candidat qui ferait campagne avec un slogan «Je suis pour la régression, votez pour moi»!? Enfin, lorsque nous parlons Constitution, nous parlons d’un pacte social. Il est donc totalement aberrant de chercher à monter la moitié de la population contre l’autre. Les débats qui réunissent des candidats de toutes les listes of- frent un nouveau spectacle. Il ne s’agit plus de mettre des cailloux dans la chaussure du voisin, mais de réfléchir en- semble aux valeurs et aux préoccupations valaisannes. Aujourd’hui la responsabilité est aux mains des électeurs. C’est à eux qu’appartiennent de ne pas laisser le sort décider pour eux, mais de choisir parmi les nombreux candidats les personnalités, certes avec des valeurs et des compétences, mais aussi prêtes pour assumer une nouvelle manière de faire de la politique. Les partis vous offrent un magnifique choix, à vous de constituer la plus belle constituante! DAMIEN CLERC En lisant une publication de campagne du mouvement « Appel Citoyen » en langue albanaise sur les réseaux sociaux, (publication qui a provoqué l’ire des identitaires criant au communautarisme), je me suis posé la question de la place de nos patois dans notre future constitution.
En Valais, le phénomène d’érosion du patois est très tardif. Nos voisins français se sont toujours obstinés à imposer le français comme langue du roi sous l’ancien régime et langue de la démocratie et du commerce dès la révolution, en opposition au cléricalisme. Les dialectes en ont pâti et dès la fin des années 1940, il n’y avait plus guère, en France, que quelques régions où l’on parlait encore une langue vernaculaire. Alors que chez nous, jusque dans les années 1960, il n’était pas rare pour nos régents de se trouver confrontés à des élèves ne parlant que le patois. J’ai été élevé à Nendaz par ma grand-mère, Solange Michelet, qui parlait toujours en patois avec ses patients et ses amis. Je fais partie de la première génération qui n’a appris que quelques bribes de dialecte à la maison, malheureusement. Dans la cour de récréation, très peu d’enfants le parlaient dans les années 80, alors qu’une génération plus tôt, la plupart de nos parents le maîtrisaient assez bien. Pourquoi et comment la transmission du patois s’est arrêtée à cette période mériterait en soi une longue étude. C’est un regret car je parle plusieurs langues et toutes contribuent à élargir le champs de ma pensée. Mais je ne pense que trop rarement en patois, principalement avec des mots qui n’ont pas d’équivalent français. Par exemple quand mon fils parle trop au lieu de se concentrer sur son assiette, je le traite de batöye. Le matin, je dis souvent à ma fille de se nettoyer les biquyèrne et de glisser son pantë dans les tsâsses. mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Nos patois sont un véritable patrimoine culturel. Chaque deux semaines, une langue disparaît selon l’UNESCO. D’ici la fin du siècle, 90% des langues ne seront plus parlées. C’est une triste perte. « Les limites de ma langue sont les limites de mon monde » écrivait Wittgenstein. Tandis que Georges Orwell, dans son roman « 1984 », décrit un totalitarisme où big brother éradique la pensée en supprimant chaque jour un grand nombre de mots. Conscients de ce phénomènes, vingt-cinq Etats dont la Suisse (mais pas la France) ont signé et ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en 2017. La Charte est une convention destinée d'une part à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen et d’autre part à favoriser l’emploi de ces langues dans la vie privée et publique. Quel lien avec notre future constitution ? Je me suis tourné du côté de la Suisse Allemande pour chercher la place des dialectes dans les différentes constitutions cantonales. Surprise : il n’y a qu’une seule constitution qui évoque clairement la protection et l’encouragement du dialecte et elle n'est pas suisse alémanique, mais romande. « Dans la logique de la valeur identitaire et culturelle attachée aux parlers régionaux (cf. supra 3), l'art. 42 al. 2 de la Constitution jurassienne enjoint l'État et ses communes à veiller et à contribuer « à la conservation, à l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine jurassien, notamment du patois. ». Plus surprenant encore, la plupart des constitutions alémaniques ne souffle mot de la langue nationale ou officielle du canton. Font exception les cantons d'Argovie, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Lucerne, Schwyz et Zurich dont les lois fondamentales consacrent « l'allemand » comme langue de communication avec les autorités publiques.» (Cottier / Gossin, vers un statut juridique du suisse-allemand). L’article 12 de notre constitution de 1907 stipule : « 1La langue française et la langue allemande sont déclarées nationales. 2 L'égalité de traitement entre les deux langues doit être observée dans la législation et dans l'administration. ». Ne pourrions-nous pas rajouter, comme nos amis jurassiens : « … l’Etat et les communes veillent et contribuent à la conservation, à l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine valaisan, notamment de ses patois et dialectes. » ? Dans nos communes, de nombreux passionnés du patois ont déjà entrepris de très belles initiatives pour faire vivre nos langues vernaculaires. Introduire cet objet dans la constitution serait une belle façon de leur dire merci et de pérenniser leur travail. Le débat est lancé. Vincent Baud ![]() Dans le Nouvelliste du 8 novembre, nous apprenons l’existence du projet « Constitutions Time Machine », projet qui se donne pour ambition de « prendre, digérer et analyser toutes les données des anciennes constitutions valaisannes et d’en faire un outil numérique pour aider les futurs constituants ». Cet outil prétend aussi pouvoir faire des simulations du futur, en « prévoyant les conséquences de nouveaux articles constitutionnels ». Ce projet, développé avec le concours de plusieurs partenaires publics, dont les archives cantonales, la HES SO ou l’Université de Zurich est piloté par certains candidats à la Constituante provenant du mouvement appel citoyen, sorte de « parti des sans-partis », qui s’est notamment fondé sur un algorithme pour composer ses listes électorales. Ce projet donnera-t-il une réelle plus-value au travail des futurs constituants ? Seul l’avenir nous le dira. Néanmoins, dans un monde devenant chaque jour un peu plus numérique, où la facilité d’accès à l’information s’accompagne paradoxalement d’une certaine fainéantise intellectuelle à démêler le vrai du « fake », il est bon de rappeler cette ancienne mais toujours très actuelle phrase de Rabelais, qui écrivait il y a bientôt 500 ans que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Voudrions-nous d’un monde où une intelligence artificielle définirait la Constitution parfaite au détriment de l’intelligence humaine ? Voudrions-nous, en poussant la réflexion encore plus loin, d’un monde où une intelligence artificielle définirait, sur la base de certains critères, qui au sein d’une population mériterait de siéger au sein d’un parlement ? Ce n’est peut-être pas l’intention des initiants de ce projet, mais ces questions méritent d’être posées. Il sera donc bon de rappeler, lors d’une éventuelle utilisation de cette « Constitutions Time Machine » que la machine en question doit toujours rester au service de l’humain et non l’inverse. Florent Favre
Ce que j'aime dans ce préambule :Au nom du Dieu tout puissant! Cette formule ne me plaît guère dans le ton, ni même dans l'image qu'elle peut véhiculer parfois, lorsque celle-ci est galvaudée. Ce que j'aime tout de même, c'est la puissance du message. Pour le valaisan que je suis, et comme tout montagnard, j'estime que "l'homme est vraiment grand, dans la mesure où il est petit". N'est-ce pas le cas lorsque nous nous aventurons dans la montagne pour conquérir un sommet? Nous sommes si petits dans la grandeur de la nature, et pourtant, nous atteignons des sommets! La grandeur ne se mesure pas seulement dans l'altitude mais dans l'attitude. Pour un alpiniste, l'humilité est la clé de sa survie... Commencer une constitution en reconnaissant que le monde nous dépasse, en nous tournant vers la toute puissance (potentialité) de la nature, de l'être premier, de cette force mystérieuse que les traditions religieuses appellent Dieu, nous met dans cette humilité qui donne à notre intelligence toute sa grandeur intérieure. Si je crois au contraire tout connaître, tout maîtriser et que je ne laisse aucune place au mystère dans ma vie, je fige mon intelligence et je tombe dans l'obscurantisme... Pourquoi ce préambule n'est pas immuable?Bien qu'attaché à la tradition, il faut noter que ce préambule ne définit pas notre identité valaisanne de manière essentielle. Il résulte d'une coutume médiévale en Europe. A peu près tous les pactes et traités entre Etats commençaient pas cette invocation. Par ailleurs, des cantons très catholiques, comme Schwytz, Zoug ou Appenzell Rhodes-Intérieures l'ont abandonnée à la fin du XIXe siècle. La formule telle quelle est donc plus un héritage juridique européen. Tout le monde devrait pouvoir Mon rêve : conjuguer le caractère essentiel de ce préambule en lui donnant un caractère valaisan.Ce qui comptera dans la nouvelle constitution, ce sera le poids des mots. Soit nous nous approprions cette formule pour l'ancrer dans notre tradition valaisanne, soit nous la modifions en conservant son caractère essentiel : c'est-à-dire cette capacité de voir plus haut. Damien Clerc |
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