![]() Comme constituant, à l'heure de la consultation populaire, nous devons maintenant prendre du recul et avoir le courage d'un bilan à charge. Ma plus grande préoccupation est la cohésion avec le Haut-Valais. A ce stade nous nous sommes contentés de chanter poétiquement l'unité cantonale, mais nous n'avons pas su nourrir un dialogue soutenu afin de comprendre leur réalité culturelle, politique, sociale,..., afin de saisir leurs préoccupations. Il y a une très grande différence culturelle entre le Haut et le Bas. Seule une unité respectueuse de cette diversité est viable. Dans d'autres cantons, il a fallu beaucoup moins de différences pour organiser des demi-cantons. Si nous voulons préserver l'unité cantonale, notre constitution doit intégrer des mécanismes forts qui donnent une légitimité à l'autonomie du Haut-Valais. Ma deuxième préoccupation est la cohésion sociale de notre communauté humaine. Notre assemblée a cru bon de parler de "mourir dans la dignité". Cette expression insinue que certaines vies, selon des critères sociologiques ne sont plus dignes d'être vécues. La généralisation de l'euthanasie conduit inexorablement les vulnérables à la culpabilité sociale : "je suis un poids pour ma famille, pour la société". Cette croyance aggravée par le principe utilitariste de l'optimisation du plaisir enlève tout sens à l'existence du malade ou de l'impotent. C'est à mon humble avis la faute la plus grave de notre assemblée. Pour éviter tout jugement moral, mais aussi toute construction dogmatique sociologique, il est important de maintenir un certain vide juridique et de ne pas institutionnaliser la fin de vie. Même si cela doit passer par des situations exigeantes dans lesquelles certaines familles ou amis seraient appelés à prendre en charge un déménagement pour mourir, car dans le réalisme des actes s'incarnent la vraie charité dont notre société a tant besoin. La "cellophanisation" de la mort traduit notre malaise face à cette question. Enfin le néo-positivisme plaçant l'algorithme en nouvel inquisiteur. Quand il ne gouverne pas les modèles d'élections ou les campagnes virtuelles, il gouverne les décisions politiques et bientôt même à l'échelon suprême du conseil d'Etat qui devra se soumettre à un organe de prospective. Pourtant, la nature même de l'intelligence artificielle la prive de la capacité de "jugement" et d'appréhension globale. Il est urgent de ré-humaniser la prise de décision en formant l'esprit critique. Une société qui soustrait son pouvoir de décision aux machines décline de facto toute responsabilité. La place que prend l'intelligence artificielle dans la construction sociale est la grande absente de notre texte constitutionnel. Je vous invite chacun à regarder le documentaire "our social dilemma" (Derrière nos écrans de fumées) afin de prendre conscience de l'impact des algorithmes sur notre cohésion sociale. Le monde bascule dans la croyance et plus personne ne sait "connaître". Nous ne pouvons plus vérifier les informations dont nous sommes bombardés. Nous sommes conditionnés par des programmations totalement soumises aux lois du capitalisme et du consumérisme. Nous ne sommes plus des clients mais nous sommes devenus des produits. Ce processus d'aliénation s'installe même dans notre système de santé. Il est urgent de réfléchir aux enjeux posés par le tournant digital. Un grand travail attend encore la constituante. J'ose faire le voeux que nous trouvions le chemin d'un dialogue plus éclairé, plus respectueux et plus confiant. Il souffle un vent de méfiance sur notre assemblée, or la méfiance rend l'esprit plus étroit, car elle empêche l'ouverture à des pensées alternatives. Damien Clerc
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January 2021
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